Après plus de deux mois d’audience, le procès en assises de Simone Gbagbo et de ses co-accusés touche à sa fin en Côte d’Ivoire. Plus de 80 personnes sont poursuivies pour "atteintes à la sûreté de l’Etat" lors de la crise qui a suivi les élections de 2010.
Des peines allant de 17 mois à 20 ans
Lundi, Me Soungalo Coulibaly, avocat de l’Etat ivoirien, seule partie civile dans le procès qui se déroule à Abidjan, a réclamé 2000 milliards de francs de dommages et intérêts à l’ex-Première dame Simone Gbagbo et à ses 82 co-accusés.
"La partie civile réclame comme dommages et intérêts, au regard de tous les préjudices subis par l’Etat, la somme de 2.000 milliards de francs CFA (environ 3 milliards d’euros) que les accusés sont tenus de payer solidairement", a déclaré à la barre Me Coulibaly.
"Un tel montant est fantaisiste, absurde et sans fondement(...)Chacun est poursuivi pour des faits distincts. On ne peut donc demander une solidarité des accusés", a lancé Me Habiba Touré, l’avocate de Simone Gbagbo.
Mardi, le parquet général a requis dix ans de prison à l’encontre de la femme de l’ex-président Laurent Gbagbo pour "troubles à l’ordre public" et de "constitution de bandes armées", 5 ans de prison contre Michel Gbagbo, 24 mois de prison contre Affi, Kuyo Téa et Bro Grebé, 17 mois de prison pour l’ex-premier ministre de Gbagbo, Aké N’go Marie ainsi que d’autres cadres du FPI, dont Kata Kété et Désiré Dalo pour s’être rendus coupables, selon le procureur, de délit de trouble à l’ordre public et de coalition de fonctionnaires.
Concernant les généraux Dogbo Blé Bruno et Vagba Faussignaux, l’avocat général a requis mardi 20 ans de prison ferme. Dans le réquisitoire de l’avocat général, ces personnalités militaires sont coupables de délits d’attentat, d’atteinte à la sureté de l’Etat et de rébellion.
Aussi, a-t-il demandé aux juges et aux jurés de les retenir dans les liens de la justice, en requérant cette lourde peine d’emprisonnement ferme.
Les avocats contre-attaquent
Mercredi, la défense a dénoncé une "absence criante de preuves" lors de ses plaidoiries. Les peines ont été moins lourdes que prévu, l’accusation d’attentat contre l’autorité de l’Etat a été abandonnée pour la plupart des prévenus lors des réquisitoires dans le procès de Simone Gbagbo et de ses 82 co-accusés présents au tribunal.
"Une absence criante de preuves, un défaut de démonstration morale, la demande de la partie civile est mal fondée", a vitupéré Me Guillaume Zebe, un des avocats de la défense, devant le tribunal d’Abidjan ce matin.
"Nous attendons encore les preuves de l’accusation après deux mois d’instruction", a ironisé Me Toussaint Dako au lendemain du réquisitoire
Depuis trois jours, c’est au tour des avocats de la défense de plaider et le procès pourrait se terminer ce vendredi.
Il reste encore un peu plus de dix accusés dont les avocats doivent plaider la cause ce vendredi après déjà une vingtaine d’heures de plaidoiries. Et les cas qui restent à traiter sont pour la plupart des hauts cadres politiques et des militaires, proches de Laurent Gbagbo.
Jeudi, les avocats ont plaidé pour un peu moins de 60 accusés jusqu'à présent, et le temps fort de la journée a été la plaidoirie pour Michel Gbagbo.
Quand l'accusation dépeint un Michel Gbagbo, chef de bandes armées au volant d'un 4x4 sillonnant les bureaux de vote de Yopougon pour voler des urnes, le soir du second tour de la présidentielle de 2010, son avocat s'attache à montrer que les témoignages se contredisent et que, sans preuves matérielles, le doute doit bénéficier à son client.
Il rappelle aussi que la mauvaise vue de Michel Gbagbo l'empêche de conduire une voiture et qu'il s'est toujours fait discret, loin de la politique.
Maitre Dadje est aussi revenu sur les mauvais traitements subis par son client lors de sa détention à Bouna, ses geôliers filmant et postant sur Internet des humiliations qu'ils faisaient subir aux prisonniers.
Ce Vendredi, on entendra les avocats de l’ancienne Première dame, Simone Gbagbo, la personnalité politique contre laquelle la plus lourde peine a été requise.
Les avocats du général Dogbo Blé, ancien chef de la garde républicaine, et de l’amiral Faussignaux Vagba, le patron de la marine, plaideront aussi ce jour.
Derniers cas abordés, ceux du Premier ministre du dernier gouvernement de Laurent Gbagbo, Gilbert Marie Ake N'Gbo, ainsi que le président du Front populaire ivoirien (FPI), Pascal Affi N'Guessan.
Après ces plaidoiries, les parties civiles et le parquet général ont la possibilité de répliquer. Ils pourraient notamment avoir envie de répondre aux avocats de la défense qui n’ont cessé de dénoncer le manque de preuves et de fiabilités des témoins pendant leurs plaidoiries.
Les accusés auront ensuite le droit de prononcer un dernier mot avant de laisser la cour se retirer pour délibérer.
Les six jurés, le président de la cour et ses deux accesseurs se réuniront immédiatement après la clôture pour discuter cas par cas des accusations. Le verdict pourra ainsi être connu ce soir ou dans la nuit.
Ce procès est entaché de nombreux manquements, aucune preuve matérielle n’ayant été fournie pour les confondre, dénoncent des organisations de la société civile et des sympathisants pro-Gbagbo, qui évoquent en outre une "justice des vainqueurs", aucun responsable pro-Ouattara n’étant inquiété.
Avec RFI
Photo:AFP / Le procès de l’ex-Première dame ivoirienne Simone Ehivet Gbagbo et de ses 82 co-accusés devrait connaitre son dénouement ce vendredi