L'homme, qui bénéficiait d'un titre de séjour pour pouvoir être soigné en France, utilisait sa maladie pour obtenir des papiers à d'autres.
Son mode opératoire -- jusqu'alors inédit -- a donné bien du fil à retordre aux policiers parisiens lancés à ses trousses. Un Ivoirien âgé d'une cinquantaine d'années, soupçonné d'avoir obtenu plusieurs centaines de titres de séjour pour des étrangers sans papiers, a été incarcéré il y a quelques semaines.
Malade du sida depuis des années et bénéficiant d'une carte de séjour provisoire au titre de son état de santé pour lui permettre d'être soigné, l'aigrefin s'est fait passer à plusieurs reprises pour un autre étranger.
Ce qui lui permettait, grâce à son statut particulier, d'obtenir des papiers pour ces irréguliers afin qu'ils puissent rester sur le sol français.
Il a ainsi multiplié les obtentions de titres de séjour valables un an, mais qui étaient automatiquement reconduites compte tenu de la supposée maladie dont souffraient les bénéficiaires. Ceux-ci ne devraient pas être inquiétés par la police puisque leur dossier est protégé par le secret médical.
Un médecin complice de l'escroquerie
« Il négociait chaque titre entre 2 000 et 3 000 €, précise une source judiciaire. Il facturait ensuite le renouvellement autour de 500 €. Il semble avoir agi de la sorte depuis 2008. Il a fait bénéficier de ses services plusieurs centaines d'étrangers arrivés en France sans titre de séjour. C'est la première fois que nous détectons ce type d'arnaque afin de favoriser des étrangers en France. »
Selon nos informations, les policiers parisiens chargés de cette délicate enquête sont parvenus, jeudi, à identifier l'un des principaux complices de cet escroc pas comme les autres : un médecin, âgé de 60 ans, implanté à Paris. Ce dernier a été interpellé avant d'être placé en garde à vue. Il est soupçonné d'avoir délivré de nombreuses ordonnances de complaisance afin que l'escroc puisse faire des dépistages du VIH sous différents noms.
Des analyses qu'il faisait effectuer en milieu hospitalier ou dans des laboratoires privés. « L'homme à l'origine de cette arnaque se présentait dans les laboratoires ou à l'hôpital avec une ordonnance au nom des gens qui étaient venus le solliciter, poursuit la même source. Une fois le diagnostic du sida établi, il suffisait aux clients de l'escroc de se présenter en préfecture avec ces analyses pour récupérer le titre de séjour provisoire décerné à ceux qui ont besoin de soins. »
Une faille dans le système de surveillance
Au fil de leurs investigations, les enquêteurs ont mis au jour une des failles du système médical français, parfaitement exploitée par l'aigrefin. « Au moment où il se présentait dans ces labos ou à l'hôpital, personne ne vérifiait son identité, souligne un proche de l'affaire. Pourtant les hôpitaux sont dotés d'une cellule d'identito-vigilance. Il s'agit d'un système de surveillance et de gestion des risques liés à l'identification des patients.
Lorsque l'on questionne les hôpitaux sur le fait de savoir pourquoi ils ne vérifient pas plus l'identité de leurs patients, ils répondent qu'ils ne sont pas là pour faire le travail de la police. Et en ce qui concerne les laboratoires d'analyses médicales, ces entreprises sont dans une démarche principalement mercantile... »
L'arnaqueur, domicilié dans un appartement au confort spartiate d'un immeuble situé à Bobigny (Seine-Saint-Denis), aurait expédié une bonne partie des « revenus » obtenus grâce à sa maladie vers son pays d'origine. Plusieurs dizaines de milliers d'euros tirés de cette escroquerie auraient ainsi été envoyés vers la Côte d'Ivoire.
Le même homme a également recruté une femme, comme lui porteuse du VIH, afin de permettre à des étrangères en situation irrégulière de se voir délivrer des papiers selon la même combine. « Son système était parfaitement rodé et il débordait de demandes, ajoute la même source. A l'issue de son audition, il a reconnu a minima les faits. »
Paris : Un ivoirien malade du sida fabriquait de faux malades - Photo à titre d'illustration